Des composés antiviraux " sur mesure " pour vaincre la grippe A

Des composés antiviraux " sur mesure " pour vaincre la grippe A

Les scientifiques ont identifié sur des protéines virales les sites névralgiques à cibler par des molécules thérapeutiques pour stopper toute multiplication du virus responsable de la grippe A. A l’aide d’outils informatiques, il est possible de dessiner les contours des antiviraux de demain.

Différentes épidémies de grippe ont fait la une des journaux ces dernières années. Pouvant frapper différentes populations animales, ces épidémies peuvent détruire les élevages des régions touchées et créer de graves troubles économiques dans les zones infectées. Pouvant franchir la barrière inter-espèces, de nouveaux virus grippaux ont fait leur apparition et menacent aussi la santé humaine.  Pour contenir ces épidémies animales ou humaines,  l’arsenal thérapeutique se trouve bien pauvre en solutions curatives.

Le virus de la grippe A et la nucléoprotéine NP

Les dernières épidémies de grippe ont impliqués des virus de type A. Le virus de la grippe A ou influenza A appartient à la famille des orthomyxoviridae.  L’information génétique virale est portée par huit fragments d’acide ribonucléique (ARN). Ces fragments d’ARN sont étroitement associés à des protéines NP (pour Nucléoprotéine). La protéine NP, d’une taille de 496 acides aminés chez le virus de la grippe A, est encodé par le fragment d’ARN n° 5. Elle est extrêmement bien conservée et présente de fortes homologies de séquences entre les différentes souches de virus grippaux (A, B et C). NP possède des propriétés d’interaction avec l’ARN mais aussi avec plusieurs protéines du virus et de la cellule infectée. Elle peut s’associer notamment avec des molécules virales de réplication pour former des structures complexes appelées ribonucléoprotéines (RNP). Ces RNP, par leur rôle dans la réplication et la transcription,  sont indispensables à la multiplication du virus.

Le projet FLUNUCLEOVIR

En raison de son importance et de sa forte conservation au sein des virus d’influenza, la protéine NP s’est avérée être une cible de choix pour mettre au point de nouvelles molécules antivirales. Dans le cadre du projet FLUNUCLEOVIR (ANR 2010), les scientifiques de l’unité Virologie et Immunité Moléculaire (VIM / INRA), associés à des équipes du CNRS, de l’université de Bordeaux et de l’Inserm ont eu pour objectif d’identifier des molécules antivirales à large spectre dirigées contre la protéine NP.
Dans une première étape, les chercheurs se sont attachés à mieux comprendre les interactions entre la molécule NP et l’ARN. En utilisant des protéines mutées (échange de certains acides aminés) dans des tests biophysiques de mesures d’affinité, les chercheurs ont ainsi identifié avec précision les zones de NP impliquées dans la fixation de l’ARN viral.  Basées sur des études de cristallographie par rayon X, les chercheurs ont pu identifier des molécules pouvant bloquer l'association NP-ARN (voir photo ci-dessous) et par là même inhiber le fonctionnement du complexe RNP nécessaire à la transcription et réplication du virus.

 

Vue en 3D de la protéine NP

 
 
 

 
Vue en 3D de la protéine NP 
L'association de la nucléoprotéine à l'ARN peut être bloquée par une drogue, le naproxen, se fixant dans le sillon de liaison de l'ARN (coloré en bleu sur la photo).
Le détail des interactions est présenté sur le zoom ci-contre.
© VIM-Inra

 
 
 
 
 

Vers de nouveaux composés antiviraux développés « sur mesure »

Cette recherche a été publiée en avril 2013 dans Antimicrobial Agents and Chemotherapy. Le naproxen, une drogue générique anti-inflammatoire, a la capacité de se lier à la nucléoprotéine. Le naproxen a été identifié par screening virtuel utilisant le catalogue Sigma-Aldrich de produits biochimiques, se basant sur la structure tridimensionnelle de la nucléoprotéine NP. Comme attendu, le naproxen empêche la liaison entre NP et l'ARN. Le naproxen exerce une activité antivirale contre les virus influenza A en baissant le titre viral de cellules infectées par les souches H1N1 et H3N2, et en présentant in vivo un index thérapeutique contre influenza A supérieur à celui des autres drogues anti-inflammatoires. Le naproxen est une molécule "lead" pour le développement de drogues plus affines pour la nucléoprotéine. Etant un médicament autorisé, le naproxen pourrait être introduit dans le traitement contre influenza, présentant l'avantage de cibler à la fois COX-2 et la nucléoprotéine des virus influenza A sans développer de résistance détectable, selon A. Slama-Schwok, la coordinatrice du projet. Ce résultat a été breveté (WO2012143141) et constitue une étape très importante dans le développement de composés antiviraux. Les chercheurs recherchent aujourd’hui des partenaires industriels pour valoriser ces résultats.

Voir aussi

Structure-based discovery of the novel antiviral properties of naproxen targeting the nucleoprotein of Influenza A virus. Lejal N, Tarus B, Bouguyon E, Chenavas S, Bertho N, Ruigrok R, Delmas B, Di Primo C, Slama-Schwok A. Antimicrobial Agents and Chemotherapy. 2013;57(5) 2231-2242.
 
Influenza virus nucleoprotein: structure, RNA binding, oligomerization and antiviral drug target. Chenavas S, Crépin T, Delmas B, Ruigrok R, Slama-Schwok A. Future microbiology 2013 (in press)
 
Monomeric nucleoprotein of Influenza A virus. Chenavas S, Estrozi LF, Slama-Schwok A, Delmas B, Di Primo C, Baudin F, Li X, Crépin T, Ruigrok RWH. Plos Pathogens. 2013; 9(3):e1003275.
 
Molecular dynamics studies of the nucleoprotein of influenza A virus: role of the protein flexibility in RNA binding. Tarus B, Chevalier C, Richard CA, Delmas B, Di Primo C, Slama-Schwok A. PLoS One. 2012;7(1):e30038.
 
Oligomerization paths of the nucleoprotein of influenza A virus. Tarus B, Bakowiez O, Chenavas S, Duchemin L, Estrozi LF, Bourdieu C, Lejal N, Bernard J, Moudjou M, Chevalier C, Delmas B, Ruigrok RW, Di Primo C, Slama-Schwok A. Biochimie. 2012 Mar;94(3):776-85.

“Antiviral Compositions Directed Against The Influenza Virus Nucleoprotein” Brevet WO2012143141

Date de création : 24 septembre 2013 | Rédaction : Service Presse Inra - Jacques Le Rouzic