Grippe A et système immunitaire

Comment le virus de la grippe A se joue de notre système immunitaire

Tandis que l'épidémie de grippe A continue de sévir dans le monde, des équipes de l'INRA et du CEA publient des travaux de recherche qui expliquent comment le virus responsable de cette pathologie peut leurrer le système immunitaire de ses victimes. Les chercheurs ont montré que l'entrée de ce virus dans l'organisme provoque l'expression d'une protéine appelée HLA-G, qui est connue pour inhiber le système immunitaire. En induisant de manière anormale cette protéine, le virus empêcherait les cellules immunitaires de se débarrasser de lui. Ce mécanisme pourrait expliquer pourquoi les femmes enceintes, qui expriment des quantités très fortes de molécules HLA-G, sont plus vulnérables à l'épidémie actuelle. Ces résultats sont publiés en ligne sur le site de la revue « Human Immunology ». Des études complémentaires sont en cours pour comprendre le mécanisme par lequel le virus de la grippe A augmente l'expression de la protéine HLA-G.

Le virus de la grippe A est responsable d’infections respiratoires plus ou moins sévères mais très contagieuses aussi bien chez l’homme que chez l’animal. Une fois dans l’organisme, le virus de la grippe déclenche un certain nombre de réactions du système immunitaire de son hôte. Pourtant, certains virus ont développé des stratégies qui leur permettent d’échapper à la vigilance des cellules du système immunitaire, les globules blancs.

Pour tenter de faire la lumière sur ces mécanismes d’échappement de la grippe A au système immunitaire, les chercheurs se sont intéressés à l’expression de la molécule HLA-G dans les cellules pulmonaires en culture, siège de l’infection par le virus H1N1.

HLA-G est une protéine essentiellement exprimée au cours de la grossesse, au niveau du placenta. Dans ce cas précis, en inhibant les cellules du système immunitaire, l’expression de HLA-G permet à la mère de tolérer son fœtus qui devrait théoriquement être considéré comme un corps étranger et être éliminé par les cellules du système immunitaire puisqu’il présente à la surface de ses cellules des marqueurs (ou antigènes) différents de ceux de sa mère. Les scientifiques en avaient donc déduit que HLA-G est une molécule impliquée dans la tolérance de l’organisme vis-à-vis d’agresseurs en inhibant les fonctions du système immunitaire.

Les groupes du Dr. Béatrice Riteau (INRA) et du Dr. Nathalie Rouas-Freiss (CEA) montrent ici pour la première fois que HLA-G est exprimée par les cellules épithéliales pulmonaires humaines après l’infection par une souche de référence de type H1N1 utilisée habituellement comme modèle de laboratoire1. En fabriquant ainsi HLA-G, les cellules infectées par H1N1 ne seraient pas reconnues par les cellules du système immunitaire et donc non détruites, permettant au virus de proliférer dans l’organisme, entraînant morbidité voire mortalité.

De plus, la virulence du virus grippal pourrait être corrélée à la quantité de HLA-G produite.

Cette découverte pourrait également expliquer la plus grande vulnérabilité des femmes enceintes vis-à-vis du virus de la grippe A2.En effet, la femme enceinte produisant de très grandes quantités de molécules HLA-G, son système immunitaire serait inhibé avant même l’infection virale, qui augmente encore la production de cette molécule. Il en résulte donc une plus grande virulence du virus.

Cette découverte concernant le mécanisme par lequel le virus de la grippe A se joue du système immunitaire est capitale. Elle permet effectivement d’envisager la conception de systèmes bloquant la virulence virale.

Les chercheurs s’attellent désormais à lever le voile sur les mécanismes à l’origine de l’expression de la molécule HLA-G lors d’une infection.

1Le virus de référence H1N1 utilisé dans cette étude, commencée en 2006, est un virus modèle utilisé depuis des années dans les laboratoires du monde entier travaillant sur la grippe. Il est mortel pour la souris et non pathogène pour l’homme.
2“H1N1 2009 influenza virus infection during pregnancy in the USA”, Denise J Jamieson, Lancet. 2009 Aug 8;374(9688):451-458.

Référence :

Immunosuppressive HLA-G molecule is upregulated in alveolar epithelial cells after influenza A virus infection. Human Immunology. 2009 Dec;70(12):1016-9
Fanny LeBouder a, Khaled Khoufache a, Catherine Menier b,c, Yassmina Mandouri a, Mahmoud Keffous a, Nathalie Lejal a, Iréne Krawice-Radanne b,c, Edgardo D. Carosella b,c, Nathalie Rouas-Freiss b,c, Béatrice Riteau a

a Unité de Virologie et Immunologie Moléculaires, UR 892 INRA, Domaine de Vilvert, 78352 Jouy-en-Josas, France

b CEA, I2BM, Service de Recherches en Hemato-Immunologie, Paris, France

c UMR_E, Université Paris 7, IUH, Hopital Saint-Louis, Paris, France

Date de création : 17 août 2011 | Rédaction : B. Riteau, A. Benmansour