Souris transgénique

Le prion, un agent infectieux qui sait se faire discret

Le prion, un agent infectieux qui sait se faire discret

Le prion est responsable chez les mammifères de la survenue des encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST) ou maladies à prion qui induisent une dégénérescence du système nerveux central de l'hôte infecté. Une équipe de chercheurs de l'Inra* montre que des transmissions entre espèces de prions peuvent contaminer le tissu lymphoïde(1), tout en épargnant le tissu nerveux de l'animal atteint. Ces résultats originaux ont fait l'objet d'une publication dans Science le 27 janvier 2012.

Comme d’autres agents pathogènes (bactéries, virus), les prions peuvent se transmettre d’une espèce à une autre et présenter un risque pour l’homme ; ainsi, la forme variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob provient de l’ingestion d’aliments contaminés par le prion de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB). La capacité des prions à se propager entre espèces différentes est limitée par une barrière, communément appelée « barrière d’espèce ». Lors de telles contaminations, l’absence de signes cliniques et/ou de protéine prion pathologique dans le cerveau des individus infectés sont des indicateurs d’une barrière d’espèce efficace. Si le cerveau constitue le site majeur de multiplication, on sait que le tissu lymphoïde peut héberger certains prions lors de transmissions inter-individuelles au sein d’une même espèce. Peu d’informations sont disponibles sur de potentielles différences de sensibilité à l’infection entre les différents organes d’un individu, du fait d’un environnement cellulaire différent ou de variations intrinsèques à la protéine prion cellulaire.

 

Réplication de prions dans la rate de souris

Réplication de prions dans la rate de souris (obs. par immunofluorescence)
Vert= prion, Rouge= lymphocytes B
© INRA/VIM/Béringue

Les chercheurs de l’Inra ont étudié la capacité relative des tissus nerveux et lymphoïde à multiplier le prion lors de transmissions interespèces en apparence peu efficaces (absence de signes cliniques et de protéine prion pathologique dans la majorité des animaux expérimentalement infectés). Ainsi lorsque des prions de cervidé ou de bovin ont été expérimentalement transmis à des lignées de souris exprimant la protéine prion cellulaire ovine ou humaine, par une voie d’infection censée privilégier la réplication neuronale, les prions se sont quasiment exclusivement multipliés dans le tissu lymphoïde, et ce relativement précocement au regard de la durée de vie de l’animal. L’utilisation d’un troisième modèle expérimental a par ailleurs permis de montrer que lorsque la barrière d’espèce a été finalement contournée via l’émergence d’un prion variant(2) dans le cerveau des animaux inoculés, un agent différent s’est propagé dans la rate, qui se distingue notamment par un maintien de sa capacité à réinfecter l’hôte de départ.

L’ensemble de ces résultats montre que la capacité de transmission entre espèces et d’évolution des prions peut dépendre fortement, chez un même hôte, du tissu considéré. En termes de santé publique, ces travaux mettent en évidence l’intérêt d’étudier de manière plus systématique les tissus extraneuronaux lors de l’évaluation du potentiel de prions animaux à infecter l’homme. A la lumière de ces travaux, la barrière d’espèce prions ESB/Homme apparait ainsi moins robuste qu’initialement anticipé sur la seule base de la surveillance d'une atteinte du système nerveux central. Ces travaux incitent aussi à poursuivre la recherche d’individus porteurs asymptomatiques par le criblage systématique des prions dans le tissu lymphoïde, tel que pratiqué actuellement au Royaume-Uni. Cela apparaît d’autant plus important que cette étude suggère que les prions peuvent se propager « clandestinement » pendant une partie importante de la vie d'un individu, dans le tissu lymphoïde, avant d’être détectables par les méthodes conventionnelles de diagnostic. Au niveau scientifique, ces résultats ouvrent la voie à de nouvelles recherches sur les déterminants de la permissivité de l‘hôte aux prions et à leur potentiel d’adaptation.

(1) Tissu lymphoïde : ensemble des organes produisant les cellules du système immunitaire (thymus, moelle, rate, ganglions lymphatiques)

(2) Variant : se dit d'un prion ayant acquis de nouvelles propriétés de souche

* Unité de recherche « Virologie et Immunologie Moléculaires », UMR Génétique Animale et Biologie Intégrative

Référence et commentaires :

Facilitated cross-species transmission of prions in extraneural tissue. Science, 27 janvier 2012.
Vincent Béringue, Laëtitia Herzog, Emilie Jaumain, Fabienne Reine, Pierre Sibille, Annick Le Dur, Jean-Luc Vilotte and Hubert Laude.

The risk of prion zoonoses. Science, 27 janvier 2012. Perspectives. John Collinge

Prion diseases hide out in the spleen. Nature, 26 janvier 2012. News. Jo Merchant.

POUR EN SAVOIR PLUS

Le prion est un agent infectieux de nature protéique, responsable chez les mammifères de la survenue des encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST) ou maladies à prion. Les différentes formes de la maladie de Creutzfeldt-Jakob chez l'homme, la tremblante du mouton et de la chèvre, figurent parmi les EST les plus connues. L’ensemble de ces maladies se caractérise par une dégénérescence du système nerveux central (cerveau et moelle épinière) de l’hôte infecté, liée à la multiplication des prions. Les prions proviennent d’une protéine naturellement présente dans les cellules du système nerveux, et inoffensive ; cependant une mauvaise configuration de la structure spatiale de la protéine prion lui confère son pouvoir pathogène. Au cours de l’infection, l’agent se répliquerait en induisant un changement de conformation de la protéine normale de l’hôte. L’accumulation des protéines prion sous formes d’agrégats contribuent ainsi au niveau du cerveau à la mort des neurones.

Date de création : 27 janvier 2012 | Rédaction : Service Presse Inra