Le virus de la bursite infectieuse radiographié sous tous ses angles

Le virus de la bursite infectieuse radiographié sous tous ses angles

Une collaboration Inra/CNRS a permis de déterminer la structure tridimensionnelle de la protéine de capside du virus de la bursite infectieuse aviaire (IBDV), maladie à forte incidence économique. Ces résultats ouvrent la voie à une production plus rapide et plus efficace de vaccins pour lutter contre ce virus aux multiples souches mutantes.

La bursite infectieuse aviaire (IBDV) ou maladie de Gumboro présente une forte incidence économique dans la filière aviaire française et mondiale. L’agent causal est un birnavirus, virus à ARN double brin, qui provoque chez les poulets de 3 à 5 semaines de l’anorexie, de la diarrhée, des tremblements et qui peut causer de 20 à 30 % de mortalité dans les élevages touchés. De part les lésions induites sur la bourse de Fabricius, les poulets survivants peuvent présenter une forte immunodépression qui favorise des atteintes infectieuses, notamment respiratoires et digestives.

Les vaccins disponibles ne sont pas toujours efficaces car l’épidémiologie récente de l’IBDV est marquée par l’émergence régulière de souches virales capables de se multiplier chez des animaux vaccinés. Certaines de ces souches peuvent être des variants non reconnus par les anticorps générés par la vaccination, reflétant ainsi une dérive antigénique du virus. D’autres représentent des variants dits "hypervirulents" possédant la même signature antigénique que les vaccins utilisés mais capables de se multiplier très rapidement dans l’animal vacciné. La caractérisation moléculaire des isolats de terrain par séquençage de leur génôme a permis d’identifier un domaine d’environ 100 acides aminés de la protéine de capside (protéine VP2) assoçié à la virulence et à la dérive antigénique du virus. Toutefois, ces résultats ne permettaient pas d’élucider les bases moléculaires de l’antigénicité du virus et de comprendre comment un virus était ou non neutralisé par un anticorps.

L’Unité de Virologie et Immunologie Moléculaires de l’Inra de Jouy-en-Josas cherche donc à caractériser depuis plusieurs années certaines étapes clefs du cycle viral de l’IBDV (système réplicatif, morphogenèse et entrée dans la cellule cible) afin de mieux comprendre la pathogénicité du virus et ses interactions avec l’hôte. Pour répondre à ces questions, la détermination de la structure atomique de la protéine VP2 représentait un de ses objectifs. Elle devait nous permettre d’identifier à la fois les quelques acides aminés impliqués dans la virulence, mais aussi les résidus assoçiés à la reconnaissance de la cellule à infecter et/ou cibles des anticorps neutralisants le virus. Ainsi, ces travaux, couplés à l’ensemble des informations sur les séquences des souches vaccinales ou des isolats de terrain, devaient permettre de comprendre la dérive antigénique du virus afin d’élaborer de façon rationnelle des souches vaccinales plus adaptées aux souches circulantes du moment.

Dans cette optique, les chercheurs de l’Unité ont collaboré avec l’UMR de Virologie Moléculaire et Structurale du CNRS/Inra de Gif-sur-Yvette pour utiliser la radiocristallographie dans la détermination de structure tridimensionnelle de la protéine de capside virale VP2. Les dernières avancées ont permis de déterminer les structure tertiaires de sous-particules virales de VP2 et de particules virales complètes de l’IBDV à respectivement 3 et 7 Å de résolution. Sur un plan plus fondamental, les résultats obtenus montrent que la capside virale de ces virus à ARN double brin n’est constituée que d’une protéine de capside, qui possède une structure très apparentée à la protéine de capside de virus à ARN de polarité positive (les nodavirus, famille méconnue de virus infectant principalement des insectes) et à la protéine de capside de virus à ARN double brin plus complexes (les réoviridae comme le virus de la fièvre catharrale du mouton ou le rotavirus).

Mais ces travaux ont aussi apporté leur lot d’informations sur l’antigénicité et la virulence du virus. Ils ont montré que l’utilisation par les souches hypervirulentes d’un récepteur alternatif à la surface des lymphocytes est associé à deux acides aminés situés aux sommets des spicules de VP2. Ces résidus critiques sont entourés par une couronne d’acides aminés impliqués dans la dérive antigénique du virus. Ainsi, seuls quelques résidus sur les 440 de VP2 semblent contrôler ce mécanisme de fuite de la réponse immunitaire.

Ces résultats permettent donc la production de façon rationnelle d’antigène VP2 vaccinant capable d’induire une réponse immunitaire adéquate pour protéger efficacement des souches circulantes sur le terrain. Ces antigènes pourront être produits soient à partir de virus IBDV recombinants vaccinants vivants, mais aussi sous forme particulaires comme des sous-particules virales de VP2 ou alors exprimée par un vecteur réplicatif de type adénovirus ou herpèsvirus.

Partenaires

Collaboration entre l’Unité de Virologie et Immunologie Moléculaire, UR 892 INRA (Jouy-en-Josas) et le Laboratoire de Virologie Moléculaire et Structurale, UMR 2472/1157 CNRS-INRA (Gif-sur-Yvette).

Publication

Fasséli Coulibaly, Christophe Chevalier, Irina Gutsche, Joan Pous, Jorge Navaza, Stéphane Bressanelli, Bernard Delmas and Félix A. Rey. 2005. The birnavirus crystal structure reveals new structural relationships among icosahedral viruses. Cell 120, 761-772.

Date de création : 17 août 2011 | Rédaction : B. Delmas